Les venins comme médicaments : un pouvoir toxique
Rédigé et vérifié par la biochimiste Luz Eduviges Thomas-Romero
Les venins animaux sont des armes efficaces de défense ou d’attaque qui immobilisent les proies. Ces composés sont des mélanges complexes de molécules aux fonctions très diverses et spécifiques.
Depuis des milliers d’années, les venins des animaux sont utilisés comme des outils thérapeutiques. C’est particulièrement vrai dans la médecine traditionnelle chinoise.
Les venins de serpent constituent une véritable pharmacie remplie de médicaments. Le répertoire des composés est si vaste que moins de 0,01 % de ces toxines ont été identifiées et caractérisées.
De nombreux venins empêchent la coagulation chez les proies
Certains venins contiennent des peptides ou des substances ayant un effet antiplaquettaire. Ils ralentissent ainsi la coagulation sanguine.
Le venin d’abeille contient de l’apitoxine, par exemple. Il existe aussi des composés similaires chez les araignées, les scorpions, les concombres de mer, les chenilles et surtout chez certains serpents, comme ceux du genre Bothrops.
On trouve d’autres composés anticoagulants dans les sécrétions salivaires ou exocrines de certaines chauves-souris vampires. Ces composés font aussi partie de la stratégie d’alimentation des insectes hématophages tels que Rhodnius prolixus ou des parasites intestinaux tels que Ancylostoma ceylanicum et Ascaris.
L’application thérapeutique d’antiplaquettaires à base de composants de venin
Les inhibiteurs de l’agrégation plaquettaire aident à prévenir les caillots sanguins. Les médicaments suivants sont basés sur des composés isolés de venins de serpent. Ils ont été approuvés par la FDA – Food and Drug Administration – pour une application thérapeutique :
- Integrilin® (Eptifibatide) est un peptide de sept acides aminés.
- Aggrastat® (Tirofiban) est un dérivé non peptidique de petite molécule de la tyrosine.
D’autres exemples de médicaments efficaces à base de composants toxiques
De nombreux autres composés du venin de serpent sont maintenant impliqués dans des essais précliniques ou cliniques. Et ce, pour une variété d’applications thérapeutiques.
Ces exemples montrent que les venins peuvent être une source précieuse pour la découverte de médicaments. Le cas des antihypertenseurs est un exemple classique :
- Captopril® est un médicament qui appartient au groupe des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine. Étant donné que cette enzyme participe à la formation de l’angiotensine, l’inhibiteur de Captopril agit en provoquant un relâchement des vaisseaux sanguins et en baissant la pression artérielle.
Le captopril est utilisé avec succès aux États-Unis et au Royaume-Uni depuis environ 40 ans. Voici d’autres médicaments basés sur des venins d’animaux :
- L’énalapril est un bloqueur des récepteurs de l’angiotensine II – ARB – et s’utilise pour de nombreux problèmes cardiaques et vasculaires. Par exemple, en cas de maladie coronarienne, d’insuffisance cardiaque, d’hypertension artérielle ou de problèmes rénaux.
- L’analgésique ziconotide – vendu sous le nom de Prialt – est dérivé d’un peptide de l’escargot conique et agit sur le système nerveux comme un puissant analgésique.
- L’exénatide, un médicament contre le diabète, abaisse la glycémie et augmente la production d’insuline dans le corps. Il est basé sur un composant de la salive du Monstre de Gila, un lézard venimeux.
Les venins comme espoir pour traiter la sclérose en plaques
Les scientifiques étudient actuellement des médicaments dérivés de l’anémone solaire. Cette espèce étourdit ses proies, les crevettes, par contact avec de longs tentacules.
Ses puissantes toxines bloquent les canaux nerveux de la proie. Désormais, les scientifiques ont réussi à synthétiser des versions plus sûres que l’original.
La nouvelle version synthétique des venins animaux d’anémone renverse radicalement la paralysie qui accompagne la sclérose en plaques chez les rongeurs. Des essais sur l’homme sont également en cours. Cependant, les essais ne sont pas suffisamment avancés pour dire à quel point ce dérivé de venin sera utile à long terme.
Le venin de serpent pourrait-il traiter le cancer ?
Dans la recherche de composés applicables au traitement du cancer, il reste logique d’examiner le venin de serpent. En effet, il peut contenir des centaines de composés chimiques d’intérêt médical.
Des scientifiques affirment que le venin de certains serpents – en quantité appropriée – peut tuer rapidement les tumeurs du sein et du côlon. Ils admettent cependant que les essais sont encore précoces. Pour l’instant, les résultats sont obtenus à partir de tests in vitro, c’est-à-dire à partir de cultures cellulaires d’origine humaine.
Plus récemment, le venin de certaines araignées et leur effet dans le traitement du glioblastome ont été caractérisés. Et il semble que les résultats soient prometteurs ! Les venins nous réservent encore bien des surprises.
Comme nous avons pu le lire dans ces lignes, il existe des centaines de voies ouvertes en matière de poison animal et de recherche médicale. Seul le temps nous dira combien de ces toxines finiront par sauver des vies humaines.
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