Le superpouvoir du calamar : changer son code génétique
Rédigé et vérifié par la biochimiste Luz Eduviges Thomas-Romero
Les céphalopodes appartiennent à la race des mollusques qui comprend 700 espèces dont le poulpe, le calamar, la seiche et le nautile. Il s’agit d’animaux extraordinaires capables de stratégies étonnantes. Par exemple, ils peuvent passer inaperçus en changeant de couleur. Ils peuvent également expulser de l’encre dans le but de désorienter leurs prédateurs.
En plus de ces fascinantes caractéristiques, bon nombre d’entre eux peuvent briller dans l’obscurité abyssale de l’océan. Ou, dans le cas du poulpe, se contorsionner en adoptant des formes improbables.
Qu’est-ce qui leur permet d’exercer de telles fonctions ?
La réponse tient en trois mots : le contrôle neuronal. Par exemple, le changement de couleur est effectué par les cellules pigmentaires situées dans le manteau. Ces cellules possèdent des pigments qui se dilatent ou se condensent à volonté par le biais d’une contraction musculaire contrôlée par le système nerveux.
D’autre part, les évasions rapides qui caractérisent ces animaux sont possibles grâce à leur mécanisme de propulsion par jet. Ceci est rendu possible par le système de fibres nerveuses motrices géantes qui contrôlent les puissantes contractions des muscles du manteau. Cette forte musculature permet l’expulsion par pression de l’eau de la cavité palléale.
Les neurones du calamar comme objet d’étude
Pas étonnant que les céphalopodes soient étudiés par les neurologues du monde entier. Ils ont effectivement détecté chez le poulpe un impressionnant contrôle musculaire qui lui permet, par exemple, de se cacher dans des espaces 10 fois plus petits que son corps.
Chez le calamar, les scientifiques ont découvert la capacité d’éditer le code génétique. Non seulement dans le noyau de ses neurones, mais également dans l’axone. Il faut alors souligner que les axones sont les projections longues et fines qui transmettent les signaux aux autres neurones. Cette étude fut menée sur le calamar à nageoires longues (Doryteuthis pealeii). Elle constitue le premier rapport indiquant que l’information génétique peut être modifiée en dehors du noyau de la cellule animale.
Pourquoi cette caractéristique est-elle importante ?
La première raison est qu’elle approfondit notre compréhension de la plasticité neuronale. Ce terme fait référence à la capacité du système nerveux à changer sa structure et son fonctionnement. Cela permet donc une adaptation rapide de la réaction de l’animal face à un environnement changeant. Ce processus est vital pour la survie de l’animal.
Les calamars sont passés maîtres dans l’art d’éditer le code génétique. Déjà en 2015, le même groupe de chercheurs a rapporté que les calamars modifient de manière superlative les informations qui voyagent dans l’ARN messager (ARNm). Ils ont estimé ce processus chez les calamars supérieurs de plusieurs ordres de grandeur par rapport à l’édition de l’ARNm chez les êtres humains.
L’ARNm est une molécule d’une importance vitale dans le fonctionnement des cellules des êtres vivants. Elle transfère le code génétique de l’ADN nucléaire de la cellule aux ribosomes, où sont fabriquées les protéines. L’ARNm est une traduction de certains fragments de l’ADN animal qui est “interprétée” par les ribosomes. De sorte que ces derniers sont capables de reconstruire les protéines comme l’exige le code génétique de l’animal.
D’autre part, la fonction d’édition de l’ARNm “localement” ouvre la possibilité, en théorie, que ces neurones ajustent le type de protéines à produire. Et s’adaptent donc aux besoins spécifiques et ponctuels de la cellule. Ensuite, l’usage de ces connaissances peut aider à l’avenir dans le traitement des dysfonctionnements de l’axone, associés à de nombreux troubles neurologiques chez l’être humain.
Le code génétique du calamar : conclusion…
L’édition de l’ARNm est un processus biologique qui permet une plus grande polyvalence dans l’expression des différentes versions d’une même protéine. Pour la survie, l’édition de l’ARNm est beaucoup plus sûre que l’édition de l’ADN (mutations plus susceptibles d’être délétères pour l’animal). Si une erreur est commise, elle se corrige par la dégradation de la molécule ARN alors que l’erreur de l’ADN demeure.
Enfin, il existe de nombreux processus encore inconnus de l’être humain concernant le fonctionnement du monde animal. En examinant les développements des systèmes animaux, il est possible qu’avec le temps, nous trouvions des solutions pour les pathologies humaines. Par conséquent, ce genre d’études est essentiel. Non seulement pour l’acquisition de connaissances, mais également pour leur éventuelle utilité dans le traitement des maladies.
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