Grandgousier-pélican : habitat et caractéristiques
Rédigé et vérifié par le biologiste Francisco Morata Carramolino
Les profondeurs océaniques, où la lumière est inexistante, cachent d’innombrables secrets. Dans ce monde pratiquement inexploré et presque étranger à l’influence humaine, la faune a développé des formes incroyables, si étrangères à notre perception qu’elles sont difficiles à comprendre à l’œil nu. Le grandgousier-pélican en est un exemple clair.
Parmi cette collection de créatures monstrueuses, le grandgousier-pélican est particulièrement improbable. Cette espèce semble abondante et bien répartie, bien qu’on la trouve rarement dans son environnement naturel. C’est pourquoi sa biologie est encore très méconnue.
Malgré tout, cette espèce a des contacts avec l’homme, puisque des centaines de spécimens sont tombés dans les filets des pêcheurs depuis les années 1970, notamment dans l’océan Atlantique. Si vous souhaitez en savoir plus sur ce poisson d’apparence extraterrestre, nous vous invitons à poursuivre la lecture de cet article.
L’habitat du grandgousier-pélican
La distribution du grandgousier-pélican (Eurypharynx pelecanoides) est très étendue. On le trouve dans les océans tempérés et tropicaux du monde entier, où il occupe une large gamme de profondeurs : on le trouve entre 500 et 7625 mètres de profondeur, mais plus fréquemment entre 1200 et 1400 mètres.
Cela correspond à la zone bathyale ou bathypélagique. La lumière du soleil n’atteint pas cette zone, donc l’obscurité est presque totale. Cela rend impossible la photosynthèse, de sorte qu’il n’y a pratiquement pas de producteurs primaires dans cette section de la colonne d’eau. De plus, la pression est très élevée et les températures sont basses.
Tout cela impose d’énormes exigences évolutives aux formes de vie des grands fonds, qui ont été fortement conditionnées et transformées jusqu’à ce qu’elles atteignent leur apparence représentative actuelle. Le grandgousier-pélican, comme nous le verrons ci-dessous, est un exemple clair d’adaptation à un environnement inhospitalier.
Caractéristiques physiques
Cette espèce appartient à l’ordre des Anguilliformes. Par conséquent, on peut dire qu’il s’agit d’un type d’anguille, ce que l’on peut deviner au vu de certaines de ses qualités physiques. Cependant, les adaptations à la vie bathypélagique l’ont éloigné des anguilles plus typiques.
Ces poissons ne sont presque jamais observés vivants, car l’exploration de leurs écosystèmes est très difficile pour l’homme. Bien qu’ils soient parfois traînés à la surface par des filets de pêche, leur corps est fragile et se détériore en raison du changement de pression lors de la remontée. Par conséquent, les spécimens pêchés sont très perturbés.
Le grandgousier-pélican semble mesurer entre 50 centimètres et 1 mètre. Son corps est simple, aplati latéralement et complètement noir. Il a une longue queue fine en forme de fouet. Il n’a pas de nageoires ou alors elles sont très réduites.
L’aspect le plus frappant est son énorme tête qui occupe la majeure partie de la longueur de son corps. Cette région céphalique comprend une bouche disproportionnée et de gigantesques mâchoires saillantes qui s’étendent vers l’arrière. Ces structures comprennent une membrane très extensible.
Les mâchoires peuvent se rétracter sur les côtés du corps, donnant ainsi un aspect plus conventionnel à l’anguille, mais elles peuvent également s’étendre perpendiculairement.
À certains moments, le grandgousier-pélican gonfle considérablement sa membrane qui occupe la quasi-totalité du corps. Cela lui fait ressembler à un ballon ou à un têtard très gonflé, avec une queue fine aplatie qui dépasse à l’arrière.
Enfin, il faut noter que les yeux de cette anguille sont minuscules et se situent sur le bout de la tête, devant la mâchoire. De manière générale, l’apparence de l’animal semble d’un autre monde et pourrait être définie comme grotesque.
Comportement et écologie
Encore une fois, on sait très peu de choses sur le mode de vie de cet animal. Son régime alimentaire a été déduit par des études de son contenu stomacal et ne semble pas très spécifique.
On a trouvé des crustacés, ses céphalopodes, des algues, des poissons et d’autres divers invertébrés marins. Sa bouche énorme et son corps souple lui permettent de consommer de grosses proies.
Jusqu’à il y a quelques années, on n’avait jamais vu comment cet animal se nourrissait. Cependant, les chercheurs ont réussi à filmer E. pelecanoides en 2018 pendant qu’il chassait, une étape importante pour les biologistes marins spécialisés dans les créatures étranges.
Ces vidéos montrent comment le grandgousier-pélican chasse et poursuit activement ses proies. Sa grande bouche gonflable augmente ses chances d’attraper ses victimes. Bien que l’observation de ce comportement soit fascinante, elle contredit les hypothèses précédentes qui suggéraient des stratégies plus passives.
Concernant la reproduction, ces poissons sont ovipares. De plus, on pense qu’ils sont semélpares. Cela signifie qu’ils ne se reproduisent qu’une seule fois au cours de leur vie, après quoi ils meurent et font place à la génération suivante.
Les jeunes sont très petits et semi-transparents. Ils ont de très petits organes et manquent de globules rouges. Ce stade pré-juvénile est connu sous le nom de leptocéphale.
Au cours de leur croissance, les mâles subissent des changements morphologiques très remarquables. En revanche, les femelles ne changent pas de manière si extrême tout au long de leur développement.
Le statut de conservation du grandgousier-pélican
Le grandgousier-pélican était auparavant considéré comme rare, mais les connaissances actuelles semblent indiquer le contraire. On estime que cette espèce abonde et constitue une partie dominante des communautés de poissons d’eaux profondes.
De plus, pour le moment, aucune menace significative n’a été détectée pour cet animal. Cela pourrait être dû aux écosystèmes éloignés qu’il habite, qui sont plus protégés des actions humaines que beaucoup d’autres. Toutefois, le grandgousier-pélican est une victime fréquente de la pêche en haute mer dans certaines parties de son aire de répartition.
Heureusement, sa distribution étendue et le grand nombre de spécimens assurent la sécurité des populations pour le moment. En conséquence, l’espèce est classée dans la catégorie « Préoccupation mineure » par l’ Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Ce poisson particulier n’est qu’un exemple des raretés que l’on trouve dans les profondeurs de nos océans. Bien que ces créatures puissent être choquantes et même repoussantes, elles méritent d’être étudiées, admirées et surtout, qu’on assure leur conservation.
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- Iwamoto, T. 2015. Eurypharynx pelecanoides. The IUCN Red List of Threatened Species 2015: e.T18227119A42691734.
- https://www.fishbase.se/summary/Eurypharynx-pelecanoides.html
- https://www.sciencemag.org/news/2018/10/first-direct-observation-hunting-pelican-eel-reveals-bizarre-fish-inflatable-head
- Nielsen, J. G., Bertelsen, E., & Jespersen, Å. 1989. The biology of Eurypharynx pelecanoides (Pisces, Eurypharyngidae). Acta Zoologica, 70: 187-197.
- https://oceanconservancy.org/blog/2019/12/09/gulper-eels/
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