La raie manta rose de la Grande Barrière de Corail
Rédigé et vérifié par la biochimiste Luz Eduviges Thomas-Romero
Il y a quelques jours, on a pu revoir la seule raie manta rose connue jusqu’alors. Les images ont été captées par Kristian Laine, un photographe qui faisait de la plongée dans les eaux proches de l’île Lady Elliot, l’îlot corallien le plus austral de la Grande Barrière de Corail en Australie.
En très peu de temps, les photos sont devenues virales sur les réseaux sociaux. Beaucoup ont de nouveau vu leur curiosité s’éveiller au sujet de la raie manta. Elle avait été vue pour la première fois en 2015.
La célèbre raie manta appartient à l’espèce Mobula alfredi, de la famille Mobulidae. Il s’agit de la seconde espèce de plus grandes raies manta au monde.
Cet animal a reçu le surnom de “l’inspecteur Clouseau”, qui fait référence au célèbre personnage de la série La Panthère Rose.
Qu’est-ce qui explique la coloration de la raie manta rose ?
Les pigments caroténoïdes sont responsables d’une grande partie des couleurs rouge, orange et jaune dans le monde naturel et, du moins pour la majorité des animaux, ces molécules doivent s’acquérir par ingestion.
Dans un premier temps, on a cru que la couleur de la raie manta rose était le résultat de son alimentation, comme les flamants roses qui obtiennent leur couleur si particulière en mangeant de petits crustacés.
Le nouveau patron de la raie manta rose est noir et rose
Il convient de préciser que les raies manta de récif ont généralement trois patrons de couleur : tout noir, tout blanc ou blanc et noir. Ce dernier, qui est le plus habituel, présente un patron dit ombré : le poisson a alors le dos noir et le ventre blanc.
Ainsi, quand on les voit du dessus, leur dos obscur se mêle à l’eau la plus obscure du fond. Lorsqu’on les voit de dessous, leur ventre clair se mêle à la surface illuminée par le soleil. Cette configuration est la plus avantageuse car elle offre une protection contre les prédateurs comme les requins.
Pourquoi la coloration des animaux est-elle importante ?
En général, la coloration joue un rôle important dans plusieurs aspects de la vie animale. Comme nous le commentions un peu plus tôt, elle peut améliorer la protection visuelle contre des prédateurs.
En même temps, chez de nombreuses espèces, la coloration peut fournir de précieuses informations sur la reconnaissance du sexe, de l’état physique ou de la maturité ou disponibilité pour la reproduction. C’est pour cela que la sélection naturelle élimine généralement toute aberration.
Cependant, il existe plusieurs exemples d’individus – ou de populations entières – qui se caractérisent par une coloration aberrante, comme la raie manta rose. C’est grâce à elle qu’elles peuvent survivre et se reproduire.
La coloration de la raie manta rose est-elle donc aberrante ?
Oui, elle fait partie des diverses aberrations de couleur qui ont été décrites dans le règne animal. Même si leur nomenclature n’est pas consensuelle, on en a noté plus d’une douzaine, parmi lesquelles l’albinisme, le mélanisme, le leucisme et l’érythrisme. Cette dernière est indiscutablement l’une des aberrations les plus rares.
Plus concrètement, l’érythrisme se définit comme une condition de coloration chez les animaux avec une production et un dépôt excessifs de pigments rouges et oranges (érythophores) avec plusieurs tons et degrés d’intensité.
Cette aberration donne-t-elle un quelconque avantage aux animaux ?
Les plus habituels, les individus mélanistiques avec une coloration totalement noire, profitent d’un avantage thermique en raison des capacités thermorégulatrices supérieures qu’offre la couleur obscure du corps. Mais, d’un autre côté, ils souffrent d’une plus grande pression au niveau de la prédation.
Les cas d’albinisme et de leucisme, sans coloration, sont aussi des anomalies de couleur habituelles. Les individus qui les présentent possèdent un taux de survie probablement faible.
Il n’existe pas de données sur les bénéfices au niveau des mécanismes sélectifs ou de la thermorégulation de l’érythrisme. Des tests avec des salamandres (Plethodon cinereus) ont révélé que les oiseaux évitent, de façon sélective, d’attaquer des individus érythriques qui sont normalement colorés.
À quoi est dû ce type de coloration ?
Jusqu’à maintenant, trois classes de chromatophores ont un impact sur la coloration des êtres marins :
- Mélanophores (cellules aux pigments marron à noir)
- Xanthophores (cellules aux pigments jaune et rouge)
- Iridophores (produisent une peau brillante iridescente et réfléchissante)
Plus communément, les colorations aberrantes sont généralement le résultat de mutations génétiques, qui affectent le développement, la distribution de chromatophores ou la production de pigments.
Cependant, l’identification de gènes importants pour le transport, le dépôt et le traitement des caroténoïdes (coloration rouge) a été difficile, contrairement aux gènes bien caractérisés impliqués dans la mélanogenèse (coloration noire).
Dans tous les cas, jusqu’à maintenant, on a sous-estimé l’évolution adaptative des aberrations de couleur chez les êtres marins. L’étude du phénomène de coloration rouge mérite une plus grande recherche.
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